Moment attendu et appréhendé tout à la fois, voici que les portes des Espaces réflexifs me sont ouvertes et que je peux m’y promener, m’y installer pour un mois…
Que vais-je y faire ? Vais-je revoir la décoration de fond en comble ou au contraire garder la trace de sa précédente habitante ? Elle y a laissé beaucoup de choses, sa couleur, des images et des mots, des sons et des regards, son regard sur la réflexivité. J’essayerai de les accorder, de les articuler peut-être, avec mes propres marques.
Par ce carnet de recherche collectif nous cherchions, je crois, la rencontre. Scientifique et humaine.
Il est apparu, au détour d’une lecture, d’un échange et des bribes attrapées au vol par les uns et les autres, sur les colonnes de nos carnets, mais aussi au détour d’un commentaire, d’une phrase sur Twitter ou d’un “retweet”1 que la réflexivité faisait écho à chacun d’entre nous, en tant que chercheur, quelque soit notre discipline d’appartenance. Cette résonance par-delà les disciplines s’est ensuite confirmée, vous le découvrirez bientôt… Car dans cet espace que j’investis, j’espère pouvoir recevoir et vous présenter quelques invités. J’en annoncerai certains, vous réserverai la surprise pour d’autres2, gardant la souplesse de l’improvisation et cherchant à conserver dans ces perspectives croisées le plaisir de l’échange et de l’inattendu.
La réflexivité : féconde pour la rencontre interdisciplinaire ?
Une rencontre première donc, déjà en elle-même surprenante : historiens, linguistes, anthropologues, chercheurs en info-com, philosophes, chercheurs en littérature, sociologues, et tous ceux que j’omets pourraient-ils se comprendre immédiatement sur la question de la réflexivité ? Joue-t-elle le même rôle dans nos pratiques respectives ? Parle-t-on de la même chose ? Depuis la même perspective ?
Qu’en est-il des chercheurs en sciences exactes et expérimentales ?
Nous ne tombons bien sûr pas dans l’illusion ou la naïveté (ou encore fraîcheur selon l’indulgence de celui qui qualifie) de penser que nous entendons par “réflexivité” une seule et même idée bien définie. La réflexivité, ne serait-ce pas justement prendre conscience de la perspective depuis laquelle on parle, comme nous le propose Baudouin Jurdant ? Déjà une première mise en abyme nous accueille3. S’agirait-il d’être réflexif sur nos manières même de penser la réflexivité ?
L’ouverture de ce carnet collectif et l’expérience du laboratoire junior interdisciplinaire que nous menons depuis maintenant deux ans, me laisse penser que la réflexivité pourrait être non seulement une méthode4 mais aussi une occasion à saisir pour instaurer un dialogue interdisciplinaire riche… et fondamental : les enjeux à peine dissimulés ne sont-ils pas nos critères de scientificité eux-mêmes ?
Mais je suis trop pressée, nous avons un mois entier devant nous…
La réflexivité au cœur de nos pratiques de chercheurs
Suite au mois que nous a offert Stéphanie Messal, qui a donné corps à la réflexivité par tout ce que celle-ci a de vivant, d’une réflexion en cours aux évocations de l’image, en passant par les lectures et le dialogue, je choisis de jouer les prolongations.
Dans un espace comme celui-ci, le carnet de recherche, il me paraît intéressant de provoquer la rencontre entre des visions de la réflexivité dans nos pratiques de chercheurs : comment la réflexivité prend-t-elle sens dans nos pratiques de recherche ? Où, quand, comment intervient-elle ? Que dit-elle de notre conception de la science (en tant que connaissance, que collectif, que démarche, etc.) ?
Cet espace, d’écriture, de mise en relation, de “blogging” scientifique, inséré dans une plate-forme, où les commentaires sont possibles, où l’on passe d’un carnet à l’autre, comme l’on change de maison et d’hôte, qu’induit-il quant à nos pratiques de chercheur ? Pratique individuelle ou collective ? De communication ou de médiation ? De recherche en cours ou finalisée ? Légitime ou légitimée ? Le lieu-même où nous nous trouvons incite au regard réflexif… et nous ne nous y déroberons pas.
Portés par la réflexivité, qui situe et ouvre le regard, nous interrogerons nos pratiques d’écriture, de communication, nos modes de relations entre chercheurs, en particulier entre disciplines, nos modes de questionnements… en février, qui pour une fois n’est pas si court.
Installons-nous, donc, dans ce carnet collectif qui fait le pari du dialogue atemporel, agéographique, mais ancré dans une préoccupation commune : œuvrer à la compréhension mutuelle.
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Pour citer ce billet :
Faury, Mélodie (1 février 2012) “Indéterminée”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le …. http://reflexivites.hypotheses.org/303
- Sur Twitter, le “retweet” semble pouvoir constituer un signe extérieur d’intérêt pour une information qui vient d’être partagée, suffisamment intéressante pour l’être de nouveau ou soulignée d’une certaine manière, comme l’on annote dans nos livres ? A moins que ce soit le favori qui joue plus ce rôle ?
- Surprise que je partagerai parfois avec vous !
- L’effort réflexif, pour être pleinement accepté et entièrement incarné me paraît devoir être considéré non comme un risque, ou une source d’incertitudes désagréables, mais bien comme un enjeu stimulant, pour aiguiser le regard critique.
- Durrive, B., Faury, M. et Henry, J., Réflexivité et dialogue interdisciplinaire : un retour sur soi selon l’autre – Publication prévue : début 2012.